Recherche en bref : Points de vue de membres des communautés racialisées sur la légalisation du cannabis au Canada

Feb 2022

En bref

Après presque un siècle de prohibition, le cannabis a été légalisé par le gouvernement du Canada en 2018. De septembre 2018 à juillet 2019, dans le cadre d’une étude qualitative, une équipe de recherche a recueilli des données dans quatre provinces afin de connaître les points de vue de membres des communautés racialisées sur les incidences attendues de la légalisation du cannabis.

Cette Recherche en bref porte sur un exposé intitulé « Over-policed and Underrepresented: Perspectives on Cannabis Legalization from Members of Racialized Communities in Canada » qui a été fait au congrès Questions de substance du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances en 2021. Cette recherche sera publiée ultérieurement dans une revue spécialisée.

Objet de la recherche

Des décennies d’interventions policières excessives dans les communautés noires et autochtones et les autres communautés racialisées ont donné lieu à un nombre disproportionné d’accusations et de condamnations liées aux drogues dans ces populations. De même, on a toujours fait abstraction dans le passé de la voix des membres des communautés racialisées dans les recherches et les politiques relatives au cannabis.

En octobre 2018, le Canada a légalisé la production, la vente et la possession de cannabis. L’équipe de recherche a mené cette étude auprès de membres des communautés racialisées pour déterminer ce que celles-ci pensaient de la légalisation du cannabis au Canada, comprendre leur vécu à cet égard et en rendre compte. Elle espère que ces données contribueront aux efforts déployés pour remédier aux lacunes bien connues dans les recherches sur le cannabis et renforcer l’équité dans ce secteur.

Méthodes

L’équipe de recherche a mené des entrevues et des groupes de discussion avec 37 participants qui se déclaraient être des membres de communautés racialisées (p. ex., Afro-Caribéens, Africains, Latinos, Asiatiques du Sud-Est et Autochtones). Les participants provenaient de villes du Québec, de l’Ontario, de l’Alberta et de Colombie-Britannique. La collecte de données a été effectuée de septembre 2018 à juillet 2019, soit lors des phases initiales de la mise en œuvre de la légalisation du cannabis au Canada. L’équipe de recherche a posé des questions ouvertes aux participants sur les risques et les avantages de la légalisation pour la santé publique, sur la planification et la mise en œuvre de la légalisation dans leur province ainsi que sur les ressources dont les communautés ont besoin pour réagir à la légalisation. L’analyse des données a consisté à examiner et à coder les données pour en dégager les principaux thèmes.

Conclusions de la recherche

L’équipe de recherche a dégagé six thèmes principaux dans les données :

  1. Interventions policières excessives dans les communautés racialisées : les participants ont décrit la surveillance démesurée que la police exerce sur eux et sur leurs communautés. Ils n’étaient pas certains que la légalisation du cannabis réduirait le nombre des confrontations avec la police des membres des communautés racialisées.
  2. Sévérité des peines pour les infractions relatives au cannabis : certains participants s’inquiétaient de la sévérité accrue des peines applicables à certaines infractions relatives au cannabis (p. ex., vente et distribution illégales) en vertu de la nouvelle loi fédérale.
  3. Pouvoirs accrus de la police : les participants se sont déclarés préoccupés par les pouvoirs accrus dont dispose la police en vertu de la nouvelle loi (p. ex., pouvoir de la police de fouiller les conducteurs et de leur faire passer un test de dépistage en l’absence de « soupçon raisonnable » de conduite avec facultés affaiblies par le cannabis).
  4. Sous-représentation dans l’industrie légale du cannabis : les participants ont évoqué l’absence généralisée dans l’industrie légale du cannabis de membres de communautés racialisées, consommateurs (p. ex., en raison d’obstacles à l’accès et d’obstacles financiers) et producteurs légaux (p. ex., en raison de manque de capitaux et de chances égales) confondus.
  5. Sous-représentation dans les travaux de recherche sur le cannabis : de nombreux participants souhaitaient qu’il y ait davantage de partenariats de recherche avec les communautés racialisées, y compris plus d’études dans lesquelles des réfugiés et des jeunes en partagent les responsabilités et participent.
  6. Équité et justice sociale en matière de cannabis : certains participants ont évoqué la nécessité de mieux faire connaître les initiatives relatives à l’amnistie des personnes ayant été condamnées pour possession de cannabis avant la légalisation et à l’équité, et d’augmenter les investissements dans ce domaine (p. ex., suspension de casier judiciaire lié au cannabis, licences accordées en priorité aux membres des communautés racialisées).

Limites des conclusions et prochaines étapes

Les résultats de cette étude, qui s’appuient sur un échantillon certes divers, mais petit, ne représentent pas les points de vue de l’ensemble des communautés racialisées au Canada. Les participants à l’étude n’ayant été sélectionnés qu’en milieu urbain, l’équipe de recherche recommande d’élargir les prochains travaux de recherche sur les incidences de la légalisation du cannabis aux collectivités rurales et éloignées. Par ailleurs, faute de temps et de ressources, il a été impossible d’établir dans le cadre du processus de recherche des liens profonds de collaboration avec les communautés. L’équipe de recherche préconise que le financement et les calendriers soient mieux adaptés aux besoins en matière de recherches axées sur les communautés.

Applications possibles

Les chercheurs peuvent s’appuyer sur les leçons tirées de la présente étude pour intensifier leur collaboration avec les membres des populations racialisées. Les autorités de santé publique et les décideurs peuvent aussi se servir de l’étude pour orienter l’élaboration de stratégies sur le cannabis plus équitables et mieux adaptées.

Auteur.e.s

Jessica L. Wiese1,2, Tara Marie Watson3, Akwasi Owusu-Bempah4, Elaine Hyshka5, Tara Elton-Marshall6,1,2, Margaret Robinson7, Samantha Wells1,2, Sergio Rueda1,2,8

  1. Institut de recherche en politiques de santé mentale, Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), Toronto, Ontario, Canada
  2. Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell, CAMH, Toronto, Ontario, Canada
  3. Programme de soutien au système provincial, CAMH, Toronto, Ontario, Canada
  4. Département de sociologie, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
  5. École de santé publique, Université de l’Alberta, Edmonton, Alberta, Canada
  6. École d’épidémiologie et de santé publique, Faculté de médecine, Université d’Ottawa, Ottawa, Ontario, Canada
  7. Département de sociologie et d’anthropologie sociale, Université Dalhousie, Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada
  8. Département de psychiatrie, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada

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